Vendredi 30 juin se tenait au Musée de la Chasse une table ronde organisée par Lexavoué (société d’avocats spécialistes des procédures civiles et commerciales) au sujet des legaltechs. Avocats, universitaires, magistrats, consultants et éditeurs de solutions étaient réunis pour débattre et évaluer l’impact des technologies sur les professions juridiques. Christophe Amouroux, président de Twelve Consulting participait à cette table ronde. A têtes reposées, Christophe et Pierre prennent la plume pour nous restituer les idées fortes issues de cette rencontre et nous donnent leur opinion.
Les professions juridiques sont vouées à changer sous l’impulsion des nouvelles technologies. Parmi les professions impactées, le métier d’avocat va connaître d’importantes mutations dans les années à venir. Les progrès technologiques vont permettre d’automatiser les tâches simples mais chronophages. Cette évolution permettra à la profession de retrouver du “bon” temps, celui passé avec les clients, correspondants et juridictions pour apporter le plus de valeur possible à son écosystème. Les effets sont pour l’instant flous mais certains craignent une compression des honoraires et des emplois à faible valeur ajoutée sous l’effet d’une uberisation de la profession par les legaltechs.
Le développement des legaltechs est le résultat d’une évolution des usages. La plupart des services sont désormais accessibles depuis un mobile. Commander un repas, un film ou un chauffeur privé n’ont jamais été aussi simples. La prise de contact avec un avocat sera potentiellement simplifiée : l’Intelligence Artificielle (IA) pourra aider le client à qualifier son besoin en langage naturel, puis le ré-orienter vers le bon avocat. Les domaines d’application des legaltechs ne manquent pas : notation des avocats, aide au choix (en accédant notamment à leur track record, leur taux de réussite). Notons cependant qu’un phénomène de polarisation pourrait apparaître : les bons avocats seraient très courtisés tandis que les moins bons et les jeunes auraient plus de mal à développer leur activité.
Les Etats-Unis, pionniers dans le domaine des legaltechs. La justice américaine repose dans une très large mesure sur la jurisprudence – bien plus qu’en France – d’où le recours désormais quasi systématique à la justice prédictive en vue de simuler les décisions de justice. Les avocats américains ont également recours à des logiciels de stratégie de contentieux qui permettent de voir l’historique des affaires d’un adversaire, d’avoir des données sur les décisions des juges en cour, ou encore d’effectuer des projections dynamiques de stratégies. Des opportunités de développement existent également en France pour les legaltechs avec la résolution amiable des conflits qui nécessite la prise en considération d’une pluralité de facteurs (économiques, psychologiques, etc.).
Si la machine juge, qui va surveiller la machine ? La technologie n’est certes qu’un outil mais néanmoins le reflet d’une pensée traduite au travers des algorithmes. La justice ne doit pas être asservie par ses algorithmes et il convient donc de mettre en place des garde fous afin de s’assurer que la technologie reste au service du droit. Plus qu’une surveillance des développeurs, ce qu’il convient de mettre en place c’est surtout des échanges entre les professions juridiques et les équipes de développement afin d’augmenter l’efficacité des outils.
Un changement inéluctable à anticiper et accompagner. Rien ne sert de résister au changement, il est plus pertinent de l’accompagner afin de rendre le travail des machines complémentaire à celui des Hommes. La valeur ajoutée des avocats réside toujours dans la capacité, actuellement inégalable par les machines, à sérier un problème et à savoir comment structurer la question à poser à la machine. La machine n’a donc pas vocation à se substituer au travail du professionnel, elle peut en revanche permettre d’effectuer des gains de productivité qui peuvent être ré-investis pour davantage d’humain.
Les legaltechs ont un impact sur les métiers juridiques tout comme les fintechs, insurtechs et autres healthtechs ont un impact sur leurs secteurs. Selon Laurent Alexandre, les métiers de demain seront complémentaires à l’IA ou ne seront pas. Voyons ce changement comme une opportunité de remettre l’intelligence relationnelle au coeur de notre société, et accompagnons le mouvement en adaptant l’enseignement de nos enfants et de nos étudiants. Il est temps de réfléchir à des modes alternatifs d’enseignement (Montessoris, Steiner, Freinet, Ecole 42…).

Christophe Amouroux
Président chez Twelve Consulting

Pierre Rognion
Senior Consulting chez Twelve Consulting