L’innovation est au coeur de la culture d’entreprise des assureurs santé. Elle s’exprime particulièrement à travers l’adoption des nouveaux usages (réseaux sociaux, objets connectés…) et vient changer la nature de la relation assureur-assuré. La proximité de leur relation tend à se renforcer et l’assureur du futur sera davantage perçu comme un coach ou un gestionnaire des parcours de santé. Quelles sont les modalités de cette transformation ? N’est-elle pas risquée pour les assureurs qui ne s’y préparent pas ou pas assez ?
Les principaux facteurs d’évolution du marché de l’assurance santé
On dénombre aujourd’hui de nombreux facteurs d’évolution du marché de l’assurance santé :
- La modification profonde de la relation assureur–assuré grâce aux réseaux sociaux. L’assuré peut réclamer, partager ou recommander un assureur. Dans un domaine aussi sensible que la santé, un assureur qui ferait l’impasse sur une présence très active sur les réseaux sociaux risque de se retrouver très vite marginalisé et cantonné à son rôle premier qui est d’endosser le risque technique. Inversement, les acteurs capables de porter la relation client pourraient tirer leur épingle du jeu et renforcer leur part de marché.
- L’avènement des objets connectés. Derrière l’effet de mode autour des objets connectés se cache une tendance de fond : la déferlante des objets connectés avance désormais cinq fois plus vite que la vague des smartphones, avec des coûts de production et des tarifs sans cesse plus dégressifs. L’expansion du marché est confirmée par un attrait marqué des français pour les objets connectés, comme le révèle l’enquête notre enquête avec IFOP, avec 13% des Français déjà équipée et 42% qui prévoient de le faire à moyen terme.
- L’allongement de la durée de vie. Nous assistons actuellement à une véritable rupture démographique. Compte tenu de cet effet générationnel, l’ensemble du système de santé doit évoluer pour sortir d’une approche basée sur la prise en charge vers une approche préventive et de réduction des risques de la maladie ou des accidents. Or, force est de constater qu’il n’existe pas un modèle économique d’assurance santé préventive.
- Le facteur réglementaire. Depuis le 1er janvier 2016, les employeurs sont dans l’obligation de mettre en place une complémentaire de santé collective pour tous les salariés dans le cadre de la réforme l’Accord National Interprofessionnel (ANI). La réforme de la complémentaire santé représente une avancée sociale significative pour tous mais surtout pour les salariés des petites structures qui étaient jusque là plus de 4 millions à ne pas être couverts par un contrat de santé
Comment va évoluer le rôle de l’assureur santé de demain ?
L’assureur santé de demain va continuer de prendre en charge les remboursements mais son rôle pourrait évoluer petit à petit vers celui de coach santé et de gestionnaire des parcours. Les parcours potentiels sont nombreux : parcours de prévention pour les actifs et les seniors pour les risques santé et de perte d’autonomie, parcours pour la coordination des soins de médecine de ville et des soins hospitaliers pour le bénéfice du patient. L’assureur va donc jouer un rôle beaucoup plus proactif par rapport à son rôle de payeur « aveugle » d’aujourd’hui. Bien évidemment, cela présuppose de gagner la confiance des assurés, notamment dans le domaine de la gestion des données médicales.
Il s’agit ensuite de faire en sorte que l’expérience d’un parcours pour l’assuré soit une expérience positive et utile. Cela suppose de la part des assureurs une véritable ingénierie des services qui pourrait se traduire, par exemple, par la mise à disposition de bouquets de service thématiques (diminuer le stress, arrêter le tabac, suivre votre diabète de type 2…) composés des objets connectés, des applications du type quantified-self et des conseils d’accompagnement par les spécialistes.
Les assureurs acteurs sont-ils capables d’endosser ce rôle ou verra-t-on l’émergence de nouveaux acteurs sur le marché ?
Dans un environnement de marché porteur de belles promesses, nombreux sont les assureurs qui n’hésitent pas à prendre des positions opportunistes pour bénéficier d’un fort levier marketing et d’image : par exemple, les chèques cadeaux bien-être offerts aux assurés actifs, sur la base du nombre de pas journaliers mesurés. L’assureur santé américain Aetna a par exemple fait parler de lui dernièrement en fournissant gratuitement ou à prix réduit des Apple Watch à ses salariés et assurés afin de les encourager à vivre plus sainement. Mais il ne s’agit peut-être pas du meilleur moyen de créer de la valeur ajoutée.
En effet, nous remarquons que les assureurs sont encore en phase d’expérimentation et que de nombreuses initiatives positionnent les objets connectés et la gestion des parcours de manière périphérique, sans lien avec les processus opérationnels. Par ailleurs, l’internalisation de l’ensemble de la filière (opérateurs, partenaires technologiques, humains, exploitation de la donnée, etc.) semble difficilement accessible à l’assureur car trop éloignée de son cœur de métier. Notre conclusion est donc ici la même que pour les fintech : les acteurs du marché vont devoir s’armer de compétences via des rachats et des partenariats externes dans une logique d’écosystème, et d’intégrer divers profils et compétences au cœur de leur modèle opérationnel. D’où l’importance d’initier les premiers partenariats avec les acteurs spécialistes dans chacun des domaines.
Aujourd’hui, peu d’assureurs seront capables de devenir les intégrateurs de services et de technologies externes. Je suis donc relativement convaincu que le marché sera capté par les acteurs technologiques (une sorte d’assur-san-tech) qui vont capter la relation clients en s’appuyant sur les autres acteurs du système de santé (médecins, hôpitaux, assureurs, sécurité sociale, laboratoires pharmaceutique) pour les services.
Sadik Filipovic
Associé chez Twelve Consulting