La génération Y est la génération des digital natives : ce sont des consommateurs nés avec les outils numériques. Leur manière de consommer suit l’évolution technologique : l’exigence de ces clients est forte, différente de celle des générations précédentes, et au cœur des innovations d’usage du digital. Clara Vanhassel nous explique comment la Génération Y bouleverse les codes de la consommation à travers l’exemple d’une industrie traditionnelle, celle du luxe.
Bonjour Clara ! Tout d’abord, qui sont les digital natives ?
Les digital natives sont les individus nés entre 1980 et 1995, ce sont les jeunes consommateurs d’aujourd’hui. La génération Y est la première à avoir connu l’arrivée des outils digitaux et d’Internet en particulier. C’est ma génération : nous avons grandi avec Internet, et sommes la première génération à utiliser son plein potentiel. Nous apprenons même à la génération précédente à utiliser ces technologies ! C’est une génération liée au digital, jusque dans son mode de vie : cela a de nombreuses conséquences, et notamment sur la manière de consommer. Ces individus créent de nombreux paradoxes, avec lesquelles les marques se doivent de composer.
Les digital natives sont « créateurs de paradoxes » : qu’est ce que cela signifie ?
Les digital natives ont des exigences précises, ils sont sensibles à des effets de mode qui sont indépendants des facteurs économiques et sociaux : en ce sens, ils sont créateurs de paradoxes. C’est la génération la plus touchée par le chômage, mais également la plus attirée par les produits de luxe, notamment à cause du développement des outils du « paraître » de leur génération : selfies, réseaux sociaux, « like », etc. C’est un paradoxe, qui a des impacts directs sur leur manière de consommer le luxe : ces nouveaux consommateurs entrent sur un marché ancien avec de nouvelles exigences, en étant très informés sur les produits et leur valeur, avec une capacité de comparer avant d’acheter très forte, mais avec un pouvoir d’achat réduit. Ils sont prêts à faire le sacrifice de l’expérience client des magasins de luxe, car ils n’ont pas les moyens d’y accéder, et surtout n’y sont pas sensibles. Ils créent de nouveaux marchés, de nouveaux comportements d’achats. Ainsi, ces paradoxes font de la génération Y, pour les marques de luxe, une génération informée, agile, et beaucoup moins fidèle que leurs clients traditionnels.
Quels sont ces nouveaux comportements d’achat, ces nouveaux marchés que créent les digital natives ?
En matière de comportement d’achat, le canal digital est majoritairement utilisé, notamment pour accéder à l’information et aux retours des utilisateurs. Ces derniers se servent par exemple des forums et des réseaux sociaux, pour créer des communautés de partage. Pour le luxe, c’est nouveau ! Les bons plans se partagent très vite, tout comme les bons de réduction et les astuces d’achat ; de manière générale, le processus d’achat des produits de luxe passe entièrement par internet. Grâce à cela, ces consommateurs, qui ont accès à l’information, deviennent souvent experts du produit : ils n’hésitent pas à demander des détails techniques, des caractéristiques précises, et à consulter de nombreux retours d’expériences des autres clients.
De même, l’acte d’achat lui-même est radicalement différent. Il se fait sur internet : on met une image dans un panier virtuel, et on paie avant même d’avoir vu le produit en vrai. Aussi, l’expérience marketing des marques de luxe ne touche pas les jeunes consommateurs. Dans le secteur, un nouveau marché s’est créé en conséquence de ces comportements nouveaux : le marché du luxe d’occasion.
Le luxe d’occasion est un phénomène en croissance : comment change-t-il la donne de la consommation du luxe ?
Le marché du luxe d’occasion est récent, et en pleine expansion. En plus d’Ebay, plateforme de revente des produits d’occasion par excellence, trois principaux sites de revente des produits de luxe se partagent le marché en France : vestiairecollective.com, videdressing.com et instantluxe.com. Ces sites datent de 2009, et ont un chiffre d’affaire cumulé qui dépasse les 100 millions d’euros en 2014 : ils s’adressent précisément à cette clientèle jeune, en leur fournissant tous les éléments qu’ils attendent dans leur acte d’achat. Tandis que le prix des produits de luxe augmente auprès des marques, la génération Y a créé un nouveau marché sur-mesure, débarrassé de l’expérience client à laquelle ils ne sont pas sensibles : ils sont plus intéressés par les produits que par les marques. Par conséquent, la consommation du luxe se fait par des canaux que les marques de luxe ne maitrisent plus.
L’émergence de ce nouveau canal de distribution, et la perte de fidélité de ces nouveaux consommateurs envers les valeurs et le marketing des marques est un véritable enjeu pour l’industrie du luxe. L’impulsion des modes et des valeurs n’est plus donnée par les marques, mais par les consommateurs eux-mêmes : la relation de dépendance entre les clients et les marques s’est donc inversée.
Quelles perspectives pour la digitalisation du secteur ?
La digitalisation est vitale pour le secteur, comme dans tous les autres ! Les modes de consommations de la génération Y se pérennisent, le digital devient incontournable. Les marques de luxe doivent s’y préparer et s’y adapter. Le pouvoir d’achat d’une génération évolue certes avec l’âge, mais les nouveaux comportements et les nouvelles technologies resteront : la géolocalisation, les comparateurs de prix, les retours d’expérience des clients, l’accès aux informations précises, la retransmission en live des évènements, le marketing digital… Le marché du luxe d’occasion, par exemple, est devenu trop important pour que les marques de luxe l’ignorent. Ils s’impliquent dans ce marché en apportant de la crédibilité, depuis qu’ils forment les collaborateurs des principaux sites de reventes à certifier l’authenticité des produits par exemple. C’est un premier pas vers ces nouveaux modes de consommation !
Interview de Clara Vanhassel, avec la plume de Maxime Renard
Twelve Consulting
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